Une histoire de dos

 



Cette proposition d’histoire de dos me tombe sur le dos sans que je puisse lui tourner le dos. 

 

J’en ai déjà plein le dos de cette histoire de dos mais je vais faire le dos rond et m’y adosser à me rompre le dos et les mots à cette histoire de dos. 

 

J’aurai préféré endosser une histoire d’eau, nager sur le dos en pensant à tous ces dos qui ont ponctué ma vie. Un dos n’en vaut pas un autre. Tous les dos ne laissent pas le même souvenir. 

 

Il y a des dos pour essuyer la douceur de nos regards, pour accueillir les baisers de nos lèvres. 

Il y a des dos à réconforter juste en les frôlant d’une main. 

Il y a des dos qui appellent nos grimaces, nos doigts d’honneur. 

Il y des dos pour les coups de bâtons. Des dos ronds sous le regard des matons. 

Des dos pour l’amour. Des dos pour la vengeance symbolique. Des dos pour la cruauté effective.

 

Il y a des dos luisants de crème solaire ou de sueur, abandonnés à la joie ou au malheur, en repos ou en fuite, en famille ou en exil sur le sable fin de la Méditerranée.

 

Il y a des dos de chats soyeux, des dos de chiens râpés, des dos de vache indienne : leurs vertèbres des touches de piano. Je pianote en vous tournant le dos.

 

Il y a des dos de tortues qu’on appelle « carapace ». 

C’est joli une carapace. C’est un drôle de dos. Un dos solide. Un dos creux. Un dos nid. Un dos maison. Je n’ai pas cette chance. J’aurai voulu un dos de tortue, qu’on appelle « carapace ». Bien sûr je n’aurais pas pu nager sur le dos mais dans la vie d’une tortue il n’y a pas que le dos, il y a aussi les mers, les océans, les vagues, les petites carapaces des tortues nouvellement nées, les grosses carapaces des vieilles tortues qui savent mieux que personne qu’une carapace est préférable à un dos. 

 

Mais pour l’heure si je regarde derrière mon dos je ne vois ni petites ni grosses carapaces, tout ce monde enchanté m’a bel et bien tourné la carapace et je sens comme un petit frisson dans le dos. 

 

Mais le chat veille du haut de son royaume de coussins. Il miaule, fait le dos rond, me soustrait à cette kyrielle d’énumérations qui commencent à peser sur mon dos. Son dos à lui, le dos du chat donc, réclame caresses, caresses et caresses. Ma carapace fond,  je lui caresse le dos mais l’air de rien il me pèse encore ce dos sans maison. Echangerais bien dos contre carapace tout en gardant la main sur le dos de mon chat qui ne fait plus le dos rond. Il s’étale comme une crêpe or les crêpes n’ont ni dos ni carapace et cela coupe court à mes élucubrations juste avant que vous en ayez plein le dos de toutes ces histoires de dos sans queue, sans tête, sans carapace. 


(Atelier écriture - Copyright MCabrera)

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